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Florian Haller et Peter Vande Graveele (Serviceplan) : "Notre modèle de partenariat est essentiel pour bâtir un groupe solide"

Dimanche 26 Novembre 2023

Florian Haller et Peter Vande Graveele (Serviceplan) :

Afficher une progression à deux chiffres est assez remarquable dans un contexte économique difficile, a fortiori dans le secteur de la publicité très dépendant de la politique de ses clients...

Serviceplan a réussi cette gageure : le plus grand réseau d'agences indépendantes en Europe affiche une augmentation de ses revenus de 19% pour l'exercice 2022/2023 (et de 7% pour le Belux).

Récemment couronné Réseau indépendant OTY aux LIA (et Agence indépendante OTY avec son vaisseau-amiral munichois), le groupe englobe des enseignes telles que Serviceplan, Mediaplus et Plan.Net, qui opèrent dans 17 marchés. Sa croissance est portée par son engagement en faveur de l'internationalisation, de la numérisation et de son approche unique de "House of Communication" intégrée. 

Nous étions dans les murs de la plus prestigieuse d'entre elles à Munich le mois dernier pour assister à au traditionnel Innovation Day de Serviceplan… L'occasion d'échanger avec Florian Haller, CEO du groupe, et Peter Vande Graveele, CEO de Serviceplan Belux. 

A quoi attribuez-vous principalement votre progression de 19%, un résultat assez exceptionnel compte tenu du contexte économique actuel ? 

Florian Haller : Nous sommes très fiers évidemment de progresser autant dans ce contexte effectivement très peu favorable à la croissance, particulièrement en Allemagne. Nous progressons pour trois raisons. La première, c’est notre positionnement, basé sur la House of Communication, qui nous rend compétitifs et uniques, grâce à l'interaction de la création et du contenu, des médias et des données, et de l'expérience numérique et de la technologie. Cette approche nous permet d'offrir des solutions complètes et sur mesure à nos clients et c’est une réponse à la diminution des budgets et à la fragmentation croissante des médias. Et c’est très différent et bien plus moderne que ce que faisait la bonne vieille agence classique full service.

Une autre raison est l’importance de nos investissements en digital. Nous avons fait d'importants progrès dans la numérisation de toutes nos marques d'agence, nous créons des plateformes pour nos clients, nous les soutenons au niveau de leur transformation digitale. 

Notre troisième moteur de croissance, c’est l’international. Nous avons encore un grand potentiel de développement hors Allemagne. Et par ailleurs, nous avons beaucoup grandi aux USA et au Benelux.

Le développement aux Etats-Unis est assez récent. Y êtes-vous implantés aujourd’hui de manière importante ?

Nous y sommes présents depuis quelques années au travers de nos investissements dans cette très belle agence qu'est Pereira O’Dell, présente à San Francisco et New York, mais nous avons opéré un redémarrage en prenant cet été des parts dans L&C NY (une très hot "hot shop" créée par les créatifs péruviens Gian Carlo Lanfranco et Rolando Cordova, ndlr.). Par ailleurs nous avons déployé notre propre entité média et implanté Plan.Net. Le tout constitue une nouvelle House of Communication. 

C'est significatif car actuellement, l’environnement économique est plus favorable aux Etats-Unis qu’en Europe.

Serviceplan Belux a également réalisé une belle croissance de 7%. A quoi attribuez-vous ces résultats ? 
Peter Vande Graveele : Notre croissance au cours des 12 mois s'explique par deux raisons majeures. Tout d'abord, notre offre intégrée a joué un rôle essentiel. Les préoccupations de nos clients, notamment celles des CMO, sont devenues de plus en plus pointues. Elles ne se limitent plus aux demandes traditionnelles en matière de communication, mais s'étendent désormais à des problématiques plus larges, telles que la performance des campagnes.
Ainsi, en plus d’une créativité pertinente et d’une production optimisée, il est impératif de pouvoir proposer des solutions qui englobent des domaines tels que le martech, l'adtech, le data-based marketing, etc.

La fusion entre Mediascale (programmatique et data, ndlr.) et Mediaplus constitue la deuxième raison de la croissance de notre House of Communication à Bruxelles. Aujourd'hui, Mediaplus est résolument devenue une agence média moderne, où l'aspect purement achat est relégué au second plan. Cette agence se consacre désormais exclusivement à la fourniture de solutions, pour la plupart alimentées par l'intelligence artificielle, afin d'optimiser en temps réel les budgets médias de nos clients. C'est ainsi que nous avons récemment attiré des clients de premier plan, tels que C&A et Decathlon. Tout cela a permis à Mediaplus de connaître une croissance de 22% au cours de l'année écoulée.

Quels sont les principaux défis auxquels vous vous attendez à devoir faire face dans les prochains mois ?

Florian Haller : Le contexte économique reste préoccupant. Nous sommes dépendants de nos clients : tout est plus difficile quand ils pensent en termes de réduction de budgets. Et cela va sans doute perdurer en 2024. Mais les défis sont aussi souvent des opportunités. Dans ce contexte économique difficile, une agence se doit d’être plus créative, d’offrir des solutions meilleures et plus efficaces. C’est ainsi qu’on grandit dans une crise. 

Peter, quels sont vos propres défis dans un contexte plus local ? 

Peter Vande Graveele : Le marché Belux, présente une dimension relativement modeste, assortie de ses avantages et de ses inconvénients. Il est indéniable que nous sommes directement influencés par les tendances macro-économiques de nos voisins, principalement l'Allemagne et la France. Toutefois, la région dynamique du Benelux se caractérise par une grande réactivité, grâce à une population de consommateurs à revenu élevé. Cette réactivité se traduit souvent par des performances supérieures à celles des marchés plus vastes.

Il convient également de ne pas négliger l'image internationale de villes telles que Bruxelles et Amsterdam, qui attirent de plus en plus de budgets et d'investissements paneuropéens. En revanche, les pays comme l'Allemagne et la France dépendent davantage des budgets nationaux ou régionaux, qui sont souvent plus sensibles aux facteurs macro-économiques négatifs. Par conséquent, malgré ses inconvénients, tels que la taille réduite du marché et les coûts salariaux élevés dus à l'indexation automatique, ainsi qu'à un système fiscal lourd, l'aspect international, ouvert et inclusif de notre région Benelux, demeure un atout majeur. Cela stimule les professions créatives, et il est essentiel d'y croire également.

C'était l'un des thèmes à l'honneur de votre Innovation : vous êtes de ceux qui disent que l’intelligence artificielle va jouer un grand rôle dans la transformation de notre secteur…

Florian Haller : C’est un très grand défi, parce que cela remplace un grand nombre de tâches créatives. Et une grande opportunité, parce que l'IA multiplie les possibilités créatives, donne naissance à de tout nouveaux outils qui permettent de produire des contenus beaucoup plus efficacement et de manière beaucoup moins onéreuse et compliquée qu’auparavant.

La business unit Make joue sans doute un grand rôle à ce niveau, et plus globalement dans le développement du groupe ?

Make est l'unité mondiale de production de Serviceplan. Elle est profondément intégrée à nos services créatifs, numériques et médias. Nous pouvons ainsi produire des assets créatifs et utiliser l'intelligence artificielle dans la création et l'exécution. Une des priorités est la mise en place de Make.OS, une plateforme développée en interne qui utilise l'IA pour garantir une communication efficace, des retours en temps réel et des processus d'approbation automatisés. Cet outil fluidifie la collaboration en interne et avec le client, il leur donne une image claire du développement du processus, lui montre où en sont tous les projets, facilite les contacts entre les personnes concernées… C’est un outil de collaboration, bien plus que de production. 

Peter Vande Graveele : C'est un excellent exemple de ce que je mentionnais précédemment. Notre métier ne se résume plus uniquement à la réalisation de campagnes publicitaires. Très souvent, nous sommes responsables de la stratégie de contenu de nos clients, mais également de la production de ce contenu : vidéos, animations, éléments en point de vente, annonces, documents imprimés, bannières, DOOH, etc. 

Outre la diversité des supports, il y a également la question du volume. C'est à ce croisement que nous trouvons, pour nos clients et leurs départements achats. Disposer d'un outil de collaboration central, optimisé par l'intelligence artificielle, contribue évidemment à pousser encore plus loin cette efficacité. Nous ne sommes pas un simple fournisseur de logiciels ; des outils technologiques sont déjà largement utilisés au sein de nos agences, notamment dans les domaines de la création, de la technologie, de la production et des médias.

Un autre axe de développement du groupe est la "collaboration internationale". Qu'entendez-vous exactement par-là ?

Florian Haller : Quand nous avons commencé à nous internationaliser, cela a été fait dans une optique de marché, pour élargir et mettre en place des services et des capacités dans le domaine de la technologie à l'échelle internationale. Elles sont réunies sous la bannière de "Plan.Net TechNest", et apportent des solutions personnalisées, avec un accent sur la mise en œuvre et la maintenance. 

L’internationalisation permet d’augmenter ses capacités d’un point de vue production, de faire bénéficier chaque entité de l’apport de gens basés ailleurs - des stratèges, des créatifs, des spécialistes de la data ou d’autres disciplines. Et aussi de dénicher des perles rares. Par exemple, nous avons aujourd’hui une équipe technique en Pologne et en Inde, que nous n’aurions jamais eu la possibilité de trouver en Allemagne. Ils créent et gèrent des sites internet pour nous, livrent des analyses. C’est une manière d’élargir notre écosystème de House of Communication.

Au départ Plan.Net était une agence digitale. Pouvez-vous nous en dire plus sur son évolution ? 

Avoir ce qu’on appelle une agence digitale n’a plus aucun sens parce que le digital est partout dans nos diverses entités. Nous avons donc en effet décidé de transformer Plan.Net en agence "tech & platform", qui fonctionne en tant que partenaire pour l'expérience numérique et les services technologiques. Elle  accompagne les clients dans la conception, le développement et l’exploitation d'écosystèmes, d’e-commerce et de MarTech, de plateformes de planning, transactionnelles ou de systèmes CRM. 

Peter Vande Graveele : Il est assez simple de constater que le consommateur établit principalement des connexions avec les marques grâce à des plateformes technologiques, où il expérimente diverses interactions avec celles-ci. Dans ce contexte, il est tout à fait naturel qu'un groupe d'agences de communication investisse davantage dans le domaine technologique. La mondialisation de Plan.Net est incontournable, car les compétences technologiques ne sont plus exclusivement présentes sur chaque marché local. La rationalisation des ressources technologiques s'avère à la fois efficace et enrichissante.

Vous avez récemment mis en place le programme “The Good Line” dédié à la durabilité ? 

The Good line est une approche holistique qui propose une gamme de produits et de services durables dans les domaines de la stratégie, de la communication, de la production, des médias et des solutions numériques. Par exemple nous avons un produit de consultance créative qui aide les clients à définir leur durabilité, à la relier aux objectifs de la marque. Au niveau des médias, par exemple, nous avons développé un produit baptisé Green GRP qui permet de décarboniser l’empreinte média des campagnes. C’est important car les gens aujourd’hui s’interrogent aussi sur la manière dont une marque est produite et dans quelles conditions. 

The Good Line aide les clients à répondre efficacement à ces questionnements, pas seulement en communiquant, mais en agissant au niveau de leurs processus.

Avez-vous déjà mis en place ce programme chez nous ? 

Peter Vande Graveele : Pas encore, mais nous sommes en train de le préparer pour 2024. Notre approche durable sera basée sur le produit Green GRP, mais elle sera couplée à un programme beaucoup plus local, et spécifiquement belge. Nous souhaitons que nos clients investissent avec nous dans l'environnement de demain, ici en Belgique. De plus amples informations seront bientôt disponibles dans la foulée des célébrations de notre 10ème anniversaire.

Pour en revenir au groupe, votre modèle de partenariat au niveau du management est sans doute aussi l’un des facteurs de succès du groupe ? 

Florian Haller : En 20 ans, nous avons beaucoup grandi et l’une des raisons est que nous avons fait de certaines personnes nos partenaires plutôt que de les engager comme managers. Ce sont ces partenaires, comme Peter, qui gèrent Serviceplan en réalité. Chaque société du groupe est dirigée par un ou deux directeurs généraux, qui sont également des actionnaires importants, motivant ainsi une approche entrepreneuriale au sein de leurs sociétés respectives. Cela a un impact direct sur la coopération avec les clients. 

Du reste, ce modèle crée des liens solides, un autre type d'engagement, plus fort. Entre co-entrepreneurs, il y a une communauté d’intérêts, les gens parlent le même langage à propos d’investissements par exemple. Ce n’est pas pour rien que nous avons une plus grande continuité qu’ailleurs dans notre top management. Et c’est un modèle que nous appliquons dans tous les pays, de l'Allemagne jusqu'en Corée. 

En plus de ce modèle de partenariat, nous demeurons une entreprise familiale, non cotée en bourse, et cela nous semble réunir les éléments essentiels pour bâtir un groupe solide.
 

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